Textes
16 April 2021

Gup New – Portfolio; Talent de la semaine – article en anglais.
In Search of my Curls.

Les cheveux sont, et ont longtemps été, un aspect important de l’identité pour beaucoup, leur signification historique variant à travers une myriade de cultures. Nous pouvons les manipuler à l’infini, les façonner, les couper, les collecter, les préserver, et ils peuvent symboliser de nombreuses choses : la santé, la richesse, le statut ou la rébellion contre la conformité. Historiquement, la coupe ou l’altération forcée des cheveux a, à l’extrême, été utilisée comme un moyen d’avilissement et d’humiliation: par essence, c’était un moyen de dépouiller une personne de son identité, de son individualité. Au-delà de l’individu, nos cheveux sont une source de notre héritage, nous reliant à ceux qui nous ont précédés: c’est à partir de cette racine que se développe le projet “In Search of My Curls” de l’artiste visuelle Aurélie Sorriaux (1994), qui, suivant la tradition archivistique, se plonge dans les artefacts historiques visuels et écrits de sa famille à la recherche de traces d’elle-même et de l’héritage que représentent ses cheveux bouclés.

Alors que de nombreux projets précédents de Sorriaux consistaient à cartographier des paysages géographiques et à étudier les traces visibles du temps à la surface de la terre, In Search of My Curls est un projet qui, tout en s’inscrivant dans la même veine de recherche approfondie, cartographie un concept beaucoup plus abstrait – la délimitation de l’héritage de sa famille sur plusieurs générations et la manière dont cette histoire a abouti à son être. En effet, Sorriaux semble aborder le projet avec l’esprit de recherche d’un géologue. Étant la seule de sa famille à posséder une chevelure bouclée, cette question de l’identité et de sa source semblait d’autant plus pertinente pour Sorriaux, qui a cherché à comprendre les facteurs que l’on peut utiliser pour déterminer notre sentiment d’appartenance à notre famille. Qu’est-ce qui définit le lien de parenté, en dehors du sang? S’agit-il d’une ressemblance, d’une langue, d’une culture, ou peut-être d’un ensemble de principes directeurs résultant de la combinaison de tous ces éléments? Peut-on trouver des réponses à ces questions en se penchant sur les vestiges du passé?
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Dans une mer d’informations de plus en plus chaotique – due en partie à l’essor de sociétés offrant des services tels que les tests génétiques et les données ancestrales directement au consommateur – la recherche de ses racines par Sorriaux s’est déroulée dans les archives de sa famille, sous la forme d’artefacts tangibles tels que des photographies, des billets de train, etc. Pourtant, en impliquant les membres de sa famille dans son projet, Sorriaux ouvre son enquête personnelle et rompt avec la base plus factuelle de la tradition des archives. En dressant une liste de questions qu’elle aurait voulu poser à ses ancêtres et en les transmettant à ses parents, la ligne de démarcation entre le “fait” concret de l’archive, dont son projet tire sa source, et la “fiction” des dialogues imaginés, devient d’autant plus floue et met en lumière une question apparemment centrale dans la pratique de Sorriaux : comment les traces qui nous restent, sous la forme d’artefacts et de descendants, peuvent-elles révéler des vérités sur nous-mêmes et sur le monde qui nous entoure?
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Le projet de Sorriaux va au-delà de l’expansion des archives de sa famille en créant de nouveaux artefacts – au-delà des photographies intimes de ses proches juxtaposées à des photographies d’archives, ou des coupes de cheveux, ou du monument de son projet dans son ensemble, rendu physique sous la forme d’un livre. La nature auto-référentielle du projet – une méta-couche presque, mais pas tout à fait, des archives existantes avec de nouveaux matériaux, qui fait directement allusion à la portée et aux limites des archives originales – signifie que toute lecture des archives par les générations futures sera une réflexion sur une réflexion. Alors que notre compréhension de notre propre histoire ancestrale repose en grande partie sur la préservation décisive, ou parfois accidentelle, de l’histoire par nos ancêtres, la décision de Sorriaux de donner forme à son enquête sur l’identité peint de nouvelles traces sur la topographie de son histoire ancestrale, formant un tout autre type d’héritage ayant des racines à la fois dans le réel et l’imaginaire.
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Auteur SOPHIE BEERENS.

Traduction AURELIE SORRIAUX